l y a trente ans tout juste (en 1991 donc) sortait le film « tous les matins du monde » d’Alain Corneau, un des grands chefs d’œuvre du cinéma français, adapté du roman éponyme de Pascal Quignard (qui avait préféré écrire un roman plutôt qu’un scénario pour Corneau). Le film très bien servi par une palette d’acteurs de talent (les Depardieu père et fils, Anne Brochet, et Jean-Pierre Marielle) rencontra un grand succès, ce qui était loin d’être acquis compte tenu du sujet (la vie solitaire et se raccrochant à l’image de l’épouse disparue du sieur Sainte Colombe racontée par Marin Marais, disciple infidèle qui devient le musicien perruqué et poudré de la Cour). Si la photographie avait été particulièrement soignée, la musique de Marin Marais a aussi contribué au succès du film, et aussi sans doute à donner une autre image de la musique baroque.
Après un disque consacré à Charles Dollé disciple de Marin Marais, Robin Pharo et son ensemble « près de l’oreille » reviennent vers le maître en interprétant la « suite d’un goût étranger » extrait du livre IV des pièces de viole de Marin Marais. Les deux derniers livres de Marais sont les deux derniers ouvrages publiés par Marais (1717 et 1725) peu de temps avant sa mort en 1728. Musicien à la cour du roi Louis XIV, il dirigea aussi l’orchestre de l’Opéra de Paris. Après la mort du Roi Soleil en 1715, Paris connaît les feux de la régence, les fêtes galantes, et la virtuosité des nouveaux violistes comme ce diable d’Antoine Forqueray ou le flambant des opéras à l’italienne d’André Campra. Marin Marais connaît l’échec avec sa tragédie en musique Sémélé, mais étonnamment ce sont durant ses dernières années que Marin Marais produit la musique la plus profonde et la plus intime. Il en est ainsi du rondeau et de la musette composant la « fête champêtre » dont la grâce nous emporte.
Référence
Robin Pharo : Marin Marais, Suite d’un goût étranger, Château de Versailles Spectacles, 2021.