uillaume Humery, dit Yom, est un clarinettiste français. Son genre prend son inspiration dans la musique klezmer jouée par les populations juives d’Europe centrale et orientale. Le style de Yom est assez inclassable. Il a évolué au fil des années : si les trois premiers albums sont faits de la même pâte (la tradition klezmer et Naftule Brandwein revisités façon jazzy), les autres explorent des territoires nouveaux : folk américain (songs for the old man, 2018), rock (you will never die, 2018), et du psychédélique mystique (green apocalypse et prière, 2018). Une chose est sûre : Yom déborde d’énergie et c’est le meilleur remontant (musical) que je connaisse.
With love
C’est au début des années 2010, grâce à France Inter, que j’ai découvert Yom. Quelle énergie ! Le premier album acheté a été With Love (2011), co-interprété avec les Wonder Rabbis. La pochette est surprenante, et assez décalée : Yom en super héro.
Green apocalypse
L’album en duo avec le chinois Wang Li se définit comme « un manifeste musical et écologique ». Dans le final Electricity, la répétition de « what we have to do », sans réponse, semble indiquer que si l’homme se pose des questions, il ne va pas plus loin que cette interrogation. Et l’épilogue risque d’être ce que montre la pochette de l’album : les villes tentaculaires de l’hypermodernité où la nature végétale reprend ses droits.
The empire of love
Dans cet album, Yom reprend tous les codes qui ont fait le succès des précédents albums et donné son punch à sa musique : un mélange de musique klezmer, de rythmes électro endiablés et un brin psychédéliques. L’album amène sa dose de vitamines. Une grande réussite.
Le silence de l’exode
C’est l’album le plus profond. Commande de la Région Île de France, cette œuvre est un tout, un seul morceau sans interruption d’une heure. Pour les besoins de l’Album, Yom en propose un découpage en 14 morceaux. L’album revient sur la fuite du peuple juif d’Egypte, guidé par Moïse. Aujourd’hui, historiens et archéologues mettent en doutent qu’un tel événement se soit produit, mais peu importe, laissons parler l’auteur :
L’Humanité est constituée d’exodes, d’épopées, d’odyssées : libre à chacun d’imaginer ses sous- titres pour se réapproprier son « Silence de l’Exode ».
Songs for the old man
Songs for the old man est écrit, selon Yom, pour retracer les pérégrinations de son père aux États-Unis. Il écrit :
Après 7 albums consacrés indirectement à l’héritage culturel maternel (origines juives de Transylvanie), Yom a conçu ce nouvel opus comme une réinterprétation de l’exil américain de son père parti dans les années 50 aux Etats Unis. C’est sa relecture de son épopée, l’écriture de cette légende familiale, une traversée de l’Amérique romantique, nostalgique, onirique, mais aussi aride et violente. Un album de folk songs clarinettistiques qu’il « chante » pour son père, à son père, mais aussi à tous ceux qui passent leur vie sur la route, les nomades, les hobos, les déplacés, les réfugiés…
L’album inclut beaucoup d’ornements de la folk américaine, notamment à la travers la guitare dobro. Il y a un instrument que je n’ai su identifier (synthé ?), en fond, qui malheureusement casse l’harmonie entre guitares et clarinettes.
Prière
Yom aime bien les duos. Cette fois-ci, c’est avec l’organiste de l’église Saint-Eustache de Paris, Baptiste-Florian Marle-Ouvrard, qu’il dialogue. Une rencontre assez étonnante quand on connaît la différence de puissance sonore entre les deux instruments. La prise de son est bien réussie sur le CD (c’est moins évident sur la vidéo ci-dessous) puisque les deux instruments sont presque mis sur un pied d’égalité en matière de volume sonore. L’orgue est l’instrument liturgique par excellence pour les chrétiens (en Europe) et on s’attend donc à une touche spirituelle, voire mystique, entourant la composition. Comme pour « le silence du désert », l’œuvre est présentée comme un seul et unique morceau (de 50′). Au final, je n’arrive pas à dire si j’aime ou si je déteste. C’est puissant, parfois grandiloquent, mais un sentiment étrange me traverse quand j’écoute cette composition.
You will never die
C’est un album ouvertement très rock, qui s’éloigne notablement des précédents albums. L’album est plaisant, mais je ne lui trouve pas le dynamisme joyeux des premiers albums.
Projet en cours : lingua ignota
Son dernier projet, dont j’attends le CD avec impatience, nous ramène en arrière 900 ans en arrière. Accompagné par la mezzo-soprano Elise Dabrowski (active aussi bien sur la scène que dans des créations de musique contemporaine), Yom s’attache à décrire l’univers de Hildegarde Von Bingen, abbesse bénédictine, qui fut tout à la fois femme de lettres, musicienne, femme de sciences, et religieuse. Elle est le pendant allemand d’Héloïse (celle d’Héloïse et Abélard), sa contemporaine et coreligionnaire. Depuis plusieurs années, les chants liturgiques de Hildegarde Von Bingen sont rejoués et connaissent un certain succès commercial. Est-ce l’aura de la religieuse ou son mysticisme qui touche le public moderne ? Comme le montre l’extrait ci-dessus, Yom ne cherche pas à revisiter la liturgie de Hildegarde Von Bingen, mais il s’inspire de la langue inconnue (d’où le titre du projet) qu’elle a utilisée pour composer cette œuvre originale mariant voix et clarinette.
Références
- 2011 : With Love, Yom et The Wonder Rabbis, Buda Musique.
- 2012 : Green Apocalypse en duo avec le Chinois Wang Li (guimbardes, flûte à calebasse), Buda Musique.
- 2013 : The Empire of Love. (Jazz Village).
- 2014 : Le Silence de l’exode, avec le contrebassiste arménien Claude Tchamitchian, Farid D & le percussionniste iranien Bijane Chemirani, Buda Musique.
- 2016 : Songs For The Old Man, avec Aurélien Naffrichoux à la guitare électrique, Guillaume Magne à la guitare, Sylvain Daniel à la basse & Mathieu Penot à la batterie, Buda Musique.
- 2018 : Prière en duo avec Baptiste-Florian Marle-Ouvrard à l’orgue, Buda Musique.
- 2018 : You will never die avec The Wonder Rabbis, Buda Musique.