
ar un étrange concours de circonstances, Jacques Duphly (ou Du Phly) est né l’année où Louis XIV s’est éteint (1715) et il est mort le lendemain de la prise de la Bastille (15 juillet 1789). Il a traversé le siècle des lumières qui a vu la mort du clavecin, de la viole de gambe, et de l’Ancien Régime. Les révolutionnaires ont d’ailleurs associé le clavecin aux mœurs des aristocrates, et la plupart des instruments ont été détruits. Une mort physique après une petite mort morale. Passé de mode, appareil aux sonorités jugées étriquées face au piano forte, le clavecin a été oublié jusqu’au XXe siècle, quand des musiciens comme Wanda Landowska, des facteurs, et des musicologues découvrent les trésors de l’âge baroque.
Jacques Duphly était un contemporain des derniers grands clavecinistes français (Royer et Rameau) et il aurait pu croiser le prolifique Domenico Scarlatti, auteur de 550 pièces pour clavecin. Élève de François Dagincourt, il a hérité de la touche de François Couperin, ce qui est sensible dans son premier livre de 1744. Son style évoluera nettement au fil des années sous l’influence de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, Pancrace Royer et surtout Jean-Philippe Rameau. Surtout connu comme professeur de clavecin, loué notamment par Jean-Jacques Rousseau, Duphly a commencé comme organiste (sans qu’aucune œuvre ne lui soit attribué aujourd’hui). Il ne semble jamais avoir connu les faveurs du public parisien en dépit de l’estime de quelques musiciens et facteurs de la place parisienne. La nouvelle musique venant d’outre Rhin contribue à éclipser ce musicien. Il meurt dans l’anonymat et le dénuement. Quel est son héritage ? Considéré comme un compositeur secondaire, Duphly a su créer une œuvre riche, se nourrissant des styles en vogue au siècle des lumières, et à l’instar de Dollé ou Balbastre, il reste un compositeur attachant au style lumineux à défaut d’avoir été novateur et touche-à-tout comme Rameau. Même sans la Révolution, son œuvre aurait connu un long oubli tant son style commençait à dater dans cette période préromantique.
Le claveciniste Christophe Rousset a gravé l’intégrale de l’œuvre pour clavecin sur un instrument d’époque (du facteur Christian Kroll) en 2011. Plus récemment, Violaine Cochard en a joué quelques extraits, mêlés à des pièces de Claude-Bénigne Balbastre, Pancrace Royer, Jean-François Dandrieu, Forqueray père et fils, également sur clavecin Kroll (avec des aigus peut-être plus percutants que celui joué par Christophe Rousset). Plutôt que l’intégrale, elle a préféré mettre en scène un dialogue entre Duphly et ses contemporains.
Extraits
Christophe Rousset
Violaine Cochard
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Références
Christophe Rousset : Jacques Duphly, pièces de clavecin, Aparté, 2012 (2 CD).
Violaine Cochard : Duphly, La Música, 2018.