ean-Baptiste Morin (1677-1754) a été un compositeur au service des Orléans, la branche cadette de la maison capétienne de Bourbon, notamment Philippe d’Orléans (régent de 1715 à 1723, puis Principal ministre du roi Louis XV). Dans l’atmosphère d’interminable fin de règne, Versailles avait laissé sa place de foyer artistique au Palais Royal, demeure des Orléans. Si Louis XIV avait voulu créer une musique française qui se démarque du modèle italien, son frère et neveu furent plus ouverts à la mode venue d’Italie. François Couperin avait voulu réunir le goût musical français, dont le chantre était Lully (la francisation du patronyme Lulli s’imposait en cette occasion), au génie italien, dont le chantre était Corelli. Il importait les sonates, dont il proposa une appellation plus française « sonade » (avec un suffixe en « ade » comme ballade, aubade, etc.). Morin a voulu faire de même, mais dans le domaine du chant. S’il est l’auteur d’un grand succès (la « chasse du cerf » qui est la musique associée à la chasse à courre dans la mémoire collective), il a aussi composé des cantates à la française, qui s’inspire des cantates italiennes. La cantate française se distingue de l’air de cour qui a prédominé jusqu’à Louis XIV par la plus grande liberté d’expression : ce n’est plus la musique qui ornait un texte, c’est le chant qui décorait la musique et devenait musique. La licence plus grande dans le phrasé et l’articulation des syllabes donnait un espace nouveau au chant français. La langue se prêtant moins à cet exercice de gymnastique que l’italien, le genre est resté confiné dans les frontières nationales, et il n’a guère subsisté après Rameau.
Le disque présente quatre cantates tireés des trois premiers livres (deux autres sont perdus) : le naufrage d’Ulysse, Circé, L’Hymen et l’Amour, Psyché et ses sœurs. L’interprète principale est la soprano canadienne Stephanie True, spécialiste du baroque tardif. Les interprètes ont décidé de rester avec la prononciation française de l’époque (les « cantates françoises » ou bien « roi » qui se prononce comme « rouet »), qui sonne toujours bizarrement pour un contemporain. Toutefois, le goût italien jouant plus sur la modulation que sur l’articulation, la prononciation est secondaire.
Extrait
Référence
Stephanie True (soprano), Ensemble Lautenwerk, Giulio Quirici : Jean-Baptiste Morin, cantates françaises, Etcetera (KTC 1635).